Eugène
Achard Ce que raconte le vent du soir, 1942.
Vietnam Le
portrait Un jeune pêcheur vivait près de la mer, ne possédant guère que sa
barque et quelques filets. Cela suffisait à son bonheur, mais il aurait juste
souhaité avoir une épouse avec laquelle partager sa paisible existence et sa
petite maison. Un jour, une énorme tempête se leva qui obligea le pêcheur à se
réfugier chez lui. Le vent se calma aussi soudainement qu'il était venu et,
quand l'homme sortit sur le seuil de sa maison, il vit descendre du ciel un
morceau de soie. Il l'attrapa au vol et découvrit sur l'étoffe le portrait
d'une magnifique jeune femme. Eh bien, se dit-il amèrement, peut-être est-ce là
la seule épouse que les dieux me destinent. Il rentra chez lui et accrocha
l'étoffe sur le mur.Mais à partir de ce moment, l'étrange devint le quotidien
du pêcheur. Quand il rentrait chez lui le soir, la maison était propre et un
repas chaud l'attendait sur la table. Un jour, il décida de partir de bon matin
comme si de rien n'était, mais il n'emmena sa barque que jusqu'à la crique
voisine et revint aussitôt chez lui. En ouvrant la porte, il surprit une belle
jeune femme occupée à faire le ménage et la cuisine. Sur le mur, le portrait
avait disparu de l'étoffe de soie.Le jeune homme demanda à l'apparition de
rester avec lui et d'être son épouse, mais la femme lui répondit d'un air
triste que c'était impossible : elle n'appartenait pas au monde des hommes et
devait rentrer chez elle tous les soirs, à l'intérieur des fils de soie. Le
pêcheur eut alors l'idée d'enfermer l'étoffe dans un coffre pour que son
occupante ne puisse plus y retourner.Le couple se maria et vécut une existence
heureuse. La pêche était abondante, et la jeune femme prenait soin de la maison
et des fils qui lui étaient nés. Mais au fil des années, l'homme s'aperçut
qu'il vieillissait tandis que son épouse restait aussi jeune et belle qu'au
moment de leur rencontre. Un beau jour, alors que les enfants étaient partis à
l'école, le pêcheur finit par s'éteindre. Son épouse en larmes décrocha la
petite clé qu'il gardait à son cou, accrochée par un lacet de cuir.Quand les
fils rentrèrent, ils ne trouvèrent que le corps de leur père sur son lit de
mort. Et près de ce vieux coffre qu'ils n'avaient jamais vu ouvert, ils
découvrirent un morceau de soie orné du portrait de leur mère.
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