samedi 11 août 2012

Pline l'Ancien

Pline l'Ancien, Histoire Naturelle
(23-79 après Jésus-Christ)

L. (XXXII.) [1] Les cerfs, bien que ce soient les plus doux des animaux, ont aussi leur malice. Pressés par les meutes, ils se réfugient spontanément vers l'homme. Au moment de mettre bas, les biches évitent moins les sentiers frayés par les hommes que les solitudes fréquentées des bêtes féroces. Elles conçoivent après le lever de la constellation d 'Arcturus (XVIII, 74). Elles mettent bas au bout de huit mois, quelquefois deux petits. Elles quittent les mâles après la conception ; ceux-ci délaissés sont en proie aux fureurs du rut; ils fouillent la terre: c'est alors que leurs museaux noircissent, teinte qui dure jusqu'a ce que les pluies la fassent disparaître. Les femelles, avant de mettre bas, se purgent avec une certaine herbe nommée seseli (XX, 18), ce qui rend le part plus facile; après avoir mis bas, elles broutent deux herbes appelées aros (arum maculatum L.), et seseli, et retournent vers leurs petits, voulant, quelle qu'en soit la cause, que le premier lait qu'ils sucent soit pénétré du suc de ces plantes.

Fresque macédonienne d'inspiration hellénistique, de la fin du IVe siècle av. J.-C., musée archéologique de Pella, signée « fait par Gnosis ». La chasse aux grands cervidés est ancienne. Bien avant l'invention du fusil, elle a été grandement facilitée par le dressage de chiens de chasse.Source: www.macedonian-heritage.gr/HellenicMacedonia/en/img_B1233a.html Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

[2] Elles exercent leurs petits à la course, leur apprennent à fuir, les conduisent dans des lieux abruptes, et leur enseignent à sauter. Les mâles, délivrés des ardeurs du rut, courent avidement aux pacages; quand ils se sentent un excès d'embonpoint, ils cherchent la retraite, à cause de l'incommodité qu'il leur cause. Au reste, ils prennent toujours des temps de repos dans leur fuite, et s'arrêtent pour regarder derrière eux; quand on en approche, ils se remettent à courir. Cela provient de la douleur qu'ils éprouvent à leurs intestins, si faibles, qu'il suffit d'un coup léger pour en causer la rupture à l'intérieur.

Red deer from Svenska Familj-Journalen 1868 This image comes from the Swedish journal Svenska Familj-Journalen (1864-1887). The copyrights for that journal have expired and this image is in the public domain.

[3] Ils fuient dès qu'ils entendent les aboiements des chiens, en se tenant sous le vent, afin que l'odeur de leur piste s'en aille avec eux. Ils écoutent avec plaisir le chalumeau des bergers et leurs chants : quand ils dressent les oreilles, leur ouïe est très fine; ils sont sourds quand ils les baissent. Du reste, c'est un animal simple et qui s'étonne de tout; à tel point qu'un cheval ou une génisse s'approchant, il ne voit pas le dessein qui le poursuit, ou, le voyant, il contemple l'arc et les flèches.

En Asie, les bois et velours font partie de la pharmacopée traditionnelle (Image des archives allemandes, Tibet, 1938)Attribution: Bundesarchiv, Bild 135-KB-17-041 / CC-BY-SA

[4] Les cerfs traversent les mers à la nage, en formant une longue file; ils mettent leur tête sur la croupe de celui qui est devant, et chacun va à son tour à l'arrière-garde. On observe surtout cette manière de nager chez ceux qui vont de Cilicie en l'île de Chypre. Ils ne voient pas la terre, mais ils la sentent, et c'est ce qui les guide. Les mâles ont des cornes, et seuls de tous les animaux ils les perdent annuellement à une époque déterminée du printemps; aussi, au moment de les perdre, se retirent-ils dans les solitudes les plus inaccessibles. Après les avoir perdues, ils se tiennent cachés comme s'ils étaient désarmés; mais eux aussi nous envient les avantages que nous en pourrions retirer. On assure que leur corne droite ne se trouve pas, étant douée de quelque propriété médicamenteuse; et cela est d'autant plus étonnant, il faut en convenir, qu'ils sont sujets à la mue annuelle, même dans les parcs : on pense qu'ils l'enfouissent.

Deers hunted down by Ernst von Eschwege in 1918.between 1918 and 1935 Source: pictured by Leonid Penner on 25.05.2010 Auteur: Painter is most probably Ernst von Eschwege, but could be Elmar von Eschwege, too Cette œuvre est dans le domaine public car son copyright a expiré.

[5] L'odeur que répand l'une ou l'autre de ces cornes brutes met en fuite les serpents, et fait reconnaître les personnes sujettes à l'épilepsie (34). L'âge des cerfs est indiqué par leur bois; chaque année, il s'y ajoute un andouiller jusqu'à six ans; à partir de cette époque, le bois repousse sans changement, et ne peut plus servir à faire discerner leur âge : mais leur vieillesse se connaît aux dents; les siens n'en ont que peu, ou n'en ont point. Ils n'ont pas non plus à la partie inférieure du bois certaines dagues qui s'avancent ordinairement sur le front des jeunes. Chez les cerfs châtrés, le bois ne tombe pas et ne pousse pas non plus.

La tapisserie aux cerfs ailés de Charles VII, représentant le retour de la Normandie et de la Guyenne à la couronne de France à l'issue de la guerre de Cent Ans. Auteur de la photo: Katepanomegas Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

[6] Le bois repousse par deux tubercules, et est semblable d'abord à de la peau sèche; il croît par des tiges tendres, revêtues d'un duvet doux, comme des têtes de roseau. Les cerfs, tant qu'ils n'ont pas leur bois, ne vont au pâturage que la nuit; à mesure qu'il croît, ils l'endurcissent à la chaleur du soleil, et l'essayent de temps en temps contre les arbres; quand il leur semble assez dur, ils se montrent au grand jour. On en a pris qui portaient dans leur bois du lierre verdoyant; ce lierre, implanté pendant qu'Ils frottaient leur bols tendre encore contre les arbres pour l'essayer, y avait pris racine comme sur un végétal.

Le cerf (ici par Carl Friedrich Deiker, en 1875) fait partie des animaux qui ont inspiré un grand nombre de d'artistesSource UB Düsseldorf, http://nbn-resolving.de/urn:nbn:de:hbz:061:2-437 Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

[7] On en trouve qui sont blancs, comme fut, dit-on, la biche de Q. Sertorius, lequel avait persuadé aux nations espagnoles qu'elle rendait des oracles. Le cerf est aussi en hostilité avec les serpents (XXVIII, 9 et 42); il cherche les cavernes de ces reptiles, et, par le souffle de ses narines, il les force à en sortir; aussi l'odeur de la corne de cerf brûlée a une vertu singulière pour chasser les serpents. Quant aux morsures de ces reptiles, le meilleur remède est la présure d'un faon tué dans le ventre de sa mère. La longévité des cerfs est un fait reconnu. Quelques-uns ont été pris, au bout de cent ans, avec des colliers d'or qu'Alexandre le Grand leur avait fait mettre, et qui étaient cachés sons les plis de la peau, à cause de l'embonpoint que ces animaux avaient acquis.

Panneaux extérieurs du diptyque de Wilton, vers 1395-1399, National Gallery, Londres Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

[8] Le cerf n'éprouve pas les maladies rebelles, et même il en préserve : en effet, nous savons que quelques dames d'un rang illustre avaient naguère l'habitude de manger de la chair de cerf tous les matins, et furent exemptes de la fièvre pendant une longue vie. On pense que cette propriété n'est sûre que quand l'animal a été tué d'un seul coup. (XXXIII.) A la même espèce que le cerf appartient un animal qui n'en diffère que par la barbe et les poils des épaules, et qu'on appelle tragélaphe (35); on ne le trouve que sur les bords du Phase.


J'espère que vous aurez aimé autant que moi. Bisous à tous


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire