mardi 18 janvier 2011

Costumes d'enfants, miroir des grands (2)

Cette nuit, debout à 3h 30 alors j'ai le temps de voue parler encore de cette exposition.

Toujours des extraits du catalogue...


La robe dragon
(...) Quand les Ming (1368-1644), dynastie indigène, reprirent le pouvoir, ils conservèrent le motif aux dragons sur certains costumes officiels, mais en expérimentant d'autres dispositions : un très grand dragon ou une paire de dragons pouvait désormais s'allonger sur le devant et le dos de la robe. Vers le XVI° siècle, des lignes obliques et à motifs d'enroulement figurant l'eau entourant des rochers vinrent se fixer sur l'ourlet, avec au-dessus les grands dragons dans les cieux, formant une image où le dragon trouve sa plénitude.
La dynastie Qing (1644-1911) paracheva la version définitive de la robe dragon. Cette dynastie mandchoue venue du Nord imposa au costume officiel un schéma axial que soulignait la place centrale de l'empereur, à la fois dans le cosmos et comme point culminant du gouvernement. Désormais, la taille des dragons diminue mais leur nombre va jusqu'à neuf, chiffre auspicieux : quatre dragons partent du col de la robe sur chaque épaule, la poitrine et le dos, évoquant les quatre directions ; des paires de dragons apparaissent sur le devant et le dos de la robe dans sa partie inférieure ; un neuvième dragon est caché sous le panneau de fermeture de la robe. Cette nouvelle répartition des motifs permettait de porter une ceinture, pratique mandchoue sans déranger le schéma essentiel.


(...)"Un jour avant les rituels, chaque marié se rend chez son frère aîné ou son oncle pour revêtir un costume spécial comprenant une petite veste brodée". Celle-ci dont le musée Guimet conserve un exemplaire analogue par le style de broderie, est probablement portée avec la dhoti. Un turban, une étoffe jetée sur l'épaule, de nombreux bijoux et une petite bourse trapézoïdale, brodée et ornée de perles et de boutons (pothu), suspendue sur la veste complètent la tenue du jeune Rabari. . "Ainsi vêtu, le garçon retourne chez ses parents portant dans ses mains une noix de coco décorée de perles [...] A l'entrée de la maison, sa belle-sœur ou sa tante lui applique un peu de poudre rouge (Kankul) sur le front et répand de l'eau, du riz et des éclats de cacahuètes sur ses épaules. Le garçon prie et offre la noix de coco, le riz et les cacahuètes à une statue ou une image de Ganesh, celui qui éloigne les obstacles."Durant cette cérémonie, le marié mène une procession composée de parents : les hommes suivis de femmes et d'enfants en tenue de fête. "Des femmes du quartier arrêtent solennellement le marié pour lui donner de l'argent, toucher la noix de coco ornée de perles qu'il tient, le bénir et chanter des chanson en son honneur. Il leur distribue en retour des vœux de bonne chance, les feuilles et les noix de bétel (supan) contenues dans sa bourse."


(...) Des ateliers royaux (kharkana) produisaient des costumes et des textiles pour les dignitaires du royaume, qui avaient à leur service des joaillers, des brodeurs et des tailleurs venus de toute l'Inde, du Cachemire au Gujarat, en passant par le Rajasthan et bien sûr le Bengale. Les brodeurs maîtrisaient à la fois le chikankari (broderie blanc sur blanc) et le zardozi (mot persan signifiant "brodé d'or"). Les costumes portés à Avadh ne font pas exception à ce syncrétisme d'influences, comme le montre la magnifique coiffe de la collection Riboud, destinée à un jeune prince Son velours de soie est entièrement brodé d'or et incrusté de pierreries, selon la technique du zardozi, laquelle consiste à broder des fils métalliques d'argent, d'or, des lamelles de métal (badla) et des filés métalliques d'or ou d'argent (enroulés autour d'une âme en soie ou en coton). Cette technique était réservée aux vêtements royaux ou à ceux confectionnés pour des cérémonies particulières. (...)

(...)Dés sa naissance, l'enfant dépend de sa mère, qui agit à sa place et lui prodigue toute une série de soins. Responsable de son éducation, elle veille à ce qu'il apprenne très tôt les attitudes à observer en société. Lors de ses premiers jours, le petit n'a pas de vêtements spécifiques, il est simplement enveloppé dans ceux de sa mère ou dans diverses pièces de tissu non réservées à cet usage. Chez les Bhopa Rabari, à partir du sixième jour, correspondant à la date de présentation à la déesse mère, divinité protectrice et procréatrice, le nouveau-né porte autour du cou, des poignets et des chevilles un fil de laine rouge torsadé avec un fil de coton blanc. Sa mère en porte un rouge à la cheville. Noués par une prêtresse lors d'une cérémonie domestique excluant les hommes, ces cordons sont ensuite portés jusqu'à l'usure. Ils établissent le nouveau-né comme un "être en devenir" dès sa mise en relation avec la déesse. A partir du sixième jour également, ses yeux sont cernés de noir et un point est dessiné sur son front, le rendant imparfait et le protégeant de la jalousie des mauvais esprits. Les cérémonies associées à l'enfance, dont la nature et le calendrier varient selon les communautés, sont souvent l'occasion de vêtir le nouveau-né, le nourrisson et le petit enfant de façon particulière. Au quotidien, en revanche, n'importe quel vêtement fera l'affaire. Le petit enfant ne porte généralement pas de bas de vêtements jusqu'à ce qu'il soit propre. Sans couches ni langes, il est nettoyé par sa mère dès que nécessaire, car toute sécrétion corporelle est perçue comme impure. Le vêtement est généralement minimal et sans distinction de genre jusqu'à l'âge de trois ans environ.(...)

Indonésie
(...)A Bali, où les rituels hindouistes sont encore très présents, les premiers mois de la vie sont ponctués de rites de passage protecteurs qui vont progressivement mener le petit enfant hors du monde des dieux pour l'intégrer à celui des hommes. Cet accompagnement commence dès le vie intra-utérine. Des forces convergentes, sorte de fratrie symbolique (kanda mpo) -liquide amniotique, vernix caseosa, sang et placenta- ont permis au fœtus de se développer harmonieusement et ont soutenu le bébé lors de son passage du monde matriciel au mode atmosphérique. Elles ont été aidées dans cette tâche par cent huit forces bajang, dont il convient de se méfier après la naissance. (...)


Texte qui donne à réfléchir. Claudine

Réactiver les mythes

A Bornéo, les textiles sont présents dans tous les rites de passage, auu cours desquels ils agissent comme des écrans ou des passeurs canalisant ou libérant les énergies. Leur importance est fonction de leur efficacité, laquelle dépend de l'observance des interdits. Riches en signification symboliques, les textiles sont les réceptacles d'un imaginaire mythologique et cosmogonique caractérisé par son dynamisme. L'exceptionnelle diversité végétale et animale qu'offrent la canopée, les sous-bois et les rives des fleuves de cette île occupée sur les trois quarts de son territoire par la forêt tropicale a nourri l'imaginaire des autochtones et suscité des récits mythologiques dont les principaux acteurs sont les animaux et les végétaux. pua', qui sert alors d'écran protecteur pour celui qui porte les têtes. Les pua' sont des couvertures sacrées, chargées de pouvoir et de force visuelle, qui relient les humains aux forces surnaturelles. Elles sont imprégnées de l'esprit des ancêtres venu se déposer dans la rosée du matin au moment où les fils de coton sont tendus et mis à sécher sur les vérandas des maisons longues. La rosée ensemence le fil de coton, tout comme elle participe à la croissance du riz, dont le grain est métaphoriquement associé à la tête coupée. Le sacrifice du vivant est l'offrande la plus haute que l'on puisse faire à un dieu. Il réactive l'évènement mythique du meurtre d'un être divin qui a engendré prospérité et bonne santé pour la communauté des vivants. Ces deux activités, chasse aux têtes et tissage, participent d'un même système complexe de reconnaissance et de valorisation sociales qui fait qu'une tisseuse expérimentée est aussi respectée qu'un guerrier valeureux.
Lors des rites de passage, les pua' sont fixés verticalement de façon à délimiter les espaces, ils couvrent les épaules du shamane ainsi que le corps des porcs à sacrifier, ils enveloppent les autels temporaires à l'intérieur desquels sont déposées les offrandes. Le textile possède une épaisseur symbolique. Il s'agit de maintenir à distance les esprits maraudeurs et néfastes, de cloisonner, de matérialiser un dedans et un dehors grâce à la fluidité du coton, à la saturation et à la complexité des motifs. Il s'agit aussi de donner corps à une image mentale transmise en rêve à la tisserande, de réactiver les temps mythologiques par des chants invocatoires, par la musique et la danse.

Retour au pays des ancêtres

A Sumba, les rites de passage sont soumis à un certain nombre de règles précises destinées aussi bien à encadrer et contrôler le moment du passage qu'à affirmer leur puissance. On assiste ainsi à une théâtralisation : au moment où la vie quitte le corps d'un individu, sa famille se doit de lui offrir des funérailles qui viendront confirmer la position sociale de la maisonnée et apporter l'apaisement à l'âme du défunt, considéré comme malade jusqu'au sacrifice du premier buffle. Assis dans la position du fœtus, littéralement enroulé dans des dizaines de textiles jusqu'à former un ballot informe, le défunt siège dans la maison. Le premier textile qui recouvre le corps a partie liée avec la mort, le dernier avec la vie. Le linceul qui enrobe le corps est destiné à recevoir les fluides vitaux qui viendront irriguer ce textile. A Lamboya, ce premier textile serait l'image inversée de la représentation de la peau de python tissée sur le dernier textile, le plus extérieur. Celui-ci, exposé à l'air libre, fait obstacle aux forces souterraines des profondeurs marines susceptibles de recouvrir l'île. Le textile rend possible une relation cyclique entre les fluides du défunt et la pluie qui fertilise la terre : c'est ainsi que certains morts, appelés "ceux qui ne veulent pas pourrir", sont accusés de retarder l'arrivée de la pluie.
Au terme de leur voyage, les défunts se défont de leurs textiles et les offrent aux ancêtres de leur clan. La rosée déposée sur les fibres de coton rejoint les fluides échappés du corps sans vie, auxquels elle se mêle pour désaltérer les corps assoiffés des ancêtres. Ainsi la grande boucle de la vie est-elle aussi enclose dans la chaîne du métier à tisser. Cette ultime fusion du ciel, du tissu, et de la chair éclaire la fonction des textiles dans les rites de passage qui, en Indonésie, jalonnent le parcours d'une vie.

Je sais, c'est beaucoup de lecture mais c'est tellement intéressant. Je voulais aussi vous donner des extraits sur la façon de teindre les vêtements mais j'ai bien du mal à copier quand je ne comprends rien. Alors pour la prochaine et dernière fois, je vous parlerais des animaux sur les vêtements des gamins.

8 commentaires:

  1. Mais, dis moi... ce petit garçon,c'est vraiment lui le marié??
    J'ai un peu lu en diagonale, mais tout ceci est fort intéressant et tellement loin de nos coutumes occidentales, si tant est que nous en ayons encore, des coutumes!!! ou en tout cas, bien différentes.
    Bonne journée et merci de tes passages chez moi.

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  2. merci
    je ne connaissais pas
    bonne soirée

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  3. C'est fort intéressant et ce petit garçon me fascine par son air, d'ailleurs tu as un peu le même regard on dirait ?
    Je m'aperçois aussi que je perds un de ces temps moi à dormir à la nuit ! pffff. hi hi
    Gros bisous

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  4. J'adore la robe dragon évidemment !

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  5. des us et coutumes très interessants à lire.. ( j'avoue :lu en vitesse!!!) ..et quelle splendeur tous ces tissus!!!;-))).pour toi qui aime les perles: cela doit être le rêve non?,,-)))

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  6. Long mais passionnant, j'ai tout lu, j'adore apprendre ces rites de passage, le symbolisme par rapport aux mauvais esprits, et l'importance du corps, du vêtement dans une approche animiste et mythologique.
    Merci pour ce texte, Claudine.
    Gros bisous


    PS : je n'arrive pas à m'abonner à ta newsletter, je ne comprends pas comment ça marche sur blogspot, as-tu un moyen de le faire pour moi en mettant mon adresse mail dans tes abonnés ??
    Sinon, j'ai toujours un train de retard....

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  7. MERCI BEAUCOUP POUR CE PARTAGE! Bonne semaine.

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