samedi 7 mai 2011

Narcisse et Goldmund

Hermann Hesse Narcisse et Goldmund Livre de poche

(...) Il allait quitter l'église quand par l'une des fenêtre, pénétra un rayon de soleil. Son regard le suivit et d'une une chapelle latérale, il aperçut une statue. Elle parlait tant à son cœur et l'attirait tant qu'il tourna vers elle ses yeux plein d'amour et la considéra dans un recueillement et une émotion profonde. C'était une figure de de la Mère de Dieu, gracieusement penchée dans une attitude de tendresse, et la façon dont son manteau bleu tombait de ses épaules étroites, , dont elle tendait doucement sa main virginale, dont , au dessus de sa bouche douloureuse, ses yeux vous regardaient, sous le voûte gracieuse du front, tout cela était si vivant, si beau et si plein de vie intérieure, si plein d'âme, qu'il crut n'avoir jamais rien vu de pareil. Il ne pouvait se rassasier de considérer cette bouche, le charme familier du mouvement du cou, il avait l'impression de voir la réalité ce que tant de fois il avait déjà aperçu et entrevu dans ses rêves, ce à quoi son cœur avait tant aspiré. Plusieurs fois il se détourna pour s'en aller, toujours l'image l'attirait de nouveau à elle. (...)

(...)Il quitta l'église tout transformé, ses pas le portaient à travers un monde transfiguré. A partir de cet instant passe devant la douce et sainte statue de bois, Goldmund posséda ce qu'il n'avait encore jamais possédé, ce qu'il avait souvent raillé ou envié chez les autres : un but. Il avait un but et peut-être l'atteindrait-il; peut-être sa vie toute entière, sa vie dissolue, allait-elle trouver un sens et une valeur. Ce sentiment nouveau le pénétrait de joie et de crainte et lui donnait des ailes...

(...)Il vit, dans un cloître, une fresque qu'on venait de peindre: il resta longtemps à la contempler. Une danse macabre était peinte là sur un mur ; le squelette blême entraînait en dansant les hommes dans la tombe; le roi, l'évêque, l'abbé, le comte, le chevalier, le médecin, le paysan, le soldat, tous elle les emmenait, et des squelettes de musiciens jouaient pendant ce temps-là sur des os creux. Les yeux curieux de Goldmund buvaient goulûment l'image. Voilà qu'un confrère inconnu avait tiré la leçon du spectacle de la peste noire dont il avait été témoin et vous criait dans les oreilles son âpre sermon sur l'inévitable mort. Elle était bonne, cette image, c'était un bon sermon, il n'avait pas mal vu et pas mal rendu la chose, le camarade inconnu, ça sonnait comme des os qui se heurtent, ça faisait dresser les cheveux sur la tête. Et pourtant, ce n'était pas cela que lui, Goldmund, avait vu et vécu. C'était la fatalité de la mort dans sa sévérité inéluctable qui s'affichait dans ce tableau. Lui, il aurait demandé autre chose; la chanson sauvage du trépas avait, en lui, une autre résonance. Elle ne faisait pas songer au bruit sec et dur des os qui se heurtent, elle était plus douce, séduisante; une mère qui vous rappelle en son sein. Là où la mort portait la main sur la vie, ce n'était pas seulement ces sons aigres et guerriers qu'on entendait, mais aussi une musique profonde, tendre, une musique d'automne et d'abondance; dans l'ombre de la mort, la petite lampe de la vie brûlait plus claire et plus intime. Pour d'autres: un guerrier, un juge, un bourreau, la mort pouvait bien se présenter sous l'aspect d'un père sévère, pour lui, la mort était aussi une mère et une amante, son appel était un geste de tendresse qui vous attire, sa main posée sur vous faisait passer un frisson d'amour. (...)

(...)

1 commentaire:

  1. C'est beau... avoir soudain un but qui remplit une vie... je me demande quel effet ça fait, moi qui avance tout doucement sur le chemin de la vie avec de tout petits mini-objectifs !
    Bon week-end, Claudine, gros bisous

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