dimanche 15 janvier 2012

La Cucaracha

La cucaracha est un gros cafard du Mexique, un insecte agile et rusé. Une fois, une représentante de l'espèce rouge (ou Colorada) vivait près d'un champ de marijuana et passait ses journées à fumer tranquillement, profitant de ce don de la nature. Passa alors près d'elle une représentante de l'espèce mouchetée (ou Pinta), qui se languissait des terres chaudes de son enfance, dans le nord du pays. Après une longue discussion et de nombreux verres de tequila, la Colorada accepta de suivre sa nouvelle amie dans son périple. A une condition : qu'il y ait suffisamment de marijuana sur le chemin, car il était hors de question qu'elle marche sans pouvoir consommer tous les jours son herbe préférée. La Pinta lui assura que tout irait bien de ce côté-là, ce qui n'empêcha pas la Colorada d'emporter avec elle un gros sac de réserves.
Les jours passèrent, les semaines passèrent, toujours plus au nord, mais la Colorada ne trouva rien lui permettant de renouveler un stock en nette diminution. Elle ne voyait que des champs de maïs, de haricots, de maïs, de piments, de maïs (ah là-bas… peut-être… ben non…), de haricots, de maïs, et ainsi de suite. Au bout du compte, il arriva bien un jour où elle fut à sec. Elle s'assit aussitôt sur le bord de la route, déclarant froidement à la Pinta qu'il était hors de question qu'elle continue à mettre une patte devant l'autre sans pouvoir fumer. En désespoir de cause, la Pinta se proposa de porter sa compagne, ce que celle-ci accepta de bonne grâce.
Le voyage reprit donc son cours, jusqu'au jour où elles croisèrent la route du révolutionnaire Pancho Villa. Celui-ci, qui pour une fois regardait en bas et pas vers l'avenir, les vit à temps et empêcha son cheval de les écraser. Leur ayant demandé pourquoi l'une portait l'autre, la réponse le fit tellement rire qu'il décida d'en faire le thème de la chanson de ralliement qui manquait à ses troupes. Il saisit sa guitare et composa l'air désormais célèbre, pas forcément de la grande poésie, mais bien entraînant comme il le fallait :

La Cucaracha, la Cucaracha, Ya no puede caminar (elle ne peut plus marcher)
Porque no tiene, porque le falta (parce qu'elle n'a plus, parce qu'il lui manque)
Marijuana que fumar (sa marie-jeanne à fumer)

Ne se sentant plus de joie, Pancho Villa proposa à la Colorada de devenir sa mascotte, en échange de toute l'herbe qu'elle voudrait. Comme on s'en doute, l'insecte accepta de bon cœur, et on lui fournit aussitôt un costume et un chapeau à sa taille, sans oublier pour la Pinta une selle faite avec un bout d'ongle de Pancho Villa. Car dès le lendemain, les révolutionnaires devaient attaquer la ville de Zacatecas. Ayant passé toute la nuit à fumer, la Colorada, dès l'aube, chargea à la tête des troupes, à côté du chef, et donna du courage à tout le monde. La ville tomba, mais la courageuse petite bête mourut au combat. On lui fit de grandes funérailles, avec un cortège mené par la Pinta, puis quatre oiseaux portant le brancard de la défunte, et enfin un rat d'église récitant des prières. Et tout le monde reprit en chœur ce chant qui, durant toute la révolution, allait faire trembler les tyrans et leurs sbires

Gros bisous à tous

3 commentaires:

  1. C'était mon heure du conte... j'aime ces histoires par chez toi...

    Bonne semaine !

    samantha

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  2. Très original ! J'aime beaucoup !

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  3. extra..une chanson que je connais bien..;-))

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