Nous n’en
finissons pas avec les vieilles maisons et les châteaux gothiques, avec les
galeries retentissantes, les chambres à coucher mystérieuses et les vastes
appartements où reviennent les esprits, appartements condamnés et fermés depuis
des siècles, où nous pouvons nous promener tout à notre aise, un frisson entre
les épaules, pour y rencontrer des spectres sans nombre ; mais ce qu’il y
a de remarquable peut-être, c’est que ces spectres peuvent se réduire à
quelques types généraux, les spectres ayant peu d’originalité et suivant des
sentiers battus. Ainsi, par exemple, il est, dans un certain vieux château, une
certaine chambre dont le parquet est taché d’un sang que rien au monde ne peut
faire disparaître, depuis que certain mauvais seigneur, lord, baronnet,
chevalier ou simple gentilhomme, s’y brûla la cervelle. Vous aurez beau frotter
le parquet, comme a fait le propriétaire actuel, ou le raboter comme fit son
père, ou le laver à la soude caustique comme fit son grand-père, les taches de
sang subsistent, ni plus rouges ni plus pâles, toujours les mêmes. Ainsi, dans
une autre maison, il est une porte hantée qui ne veut jamais rester ouverte, ou
une autre porte qui ne veut jamais rester fermée, et de l’autre côté de
laquelle on entend un bruit de rouet, un bruit de marteau, un bruit de pas, un
cri d’angoisse, un soupir, un galop de cheval, une chaîne qu’on traîne.
Ailleurs, c’est une tour d’horloge qui, à l’heure de minuit, sonne treize coups
quand le chef de la famille est au moment de mourir, ou c’est un noir carrosse
fantastique qui, à tel jour et à telle heure, est toujours vu par quelqu’un,
attendant à la porte de la cour. Écoutez ce qui arriva à lady Mary. Elle était
allée à la campagne, chez des amis, dans un manoir des montagnes d’Écosse.
Fatiguée de son long voyage, elle avait demandé la permission de se retirer de
bonne heure, le soir de son arrivée. Le lendemain matin, étant descendue pour
déjeuner, elle dit très innocemment : « Comme on s’est couché tard
ici ! et pourquoi ne m’avoir pas prévenue qu’il y avait une grande
soirée ? » Chacun de demander à milady ce qu’elle veut dire, et
milady de répondre : « J’ai entendu les carrosses qui allaient et
venaient toute la nuit sur la terrasse. » Alors le propriétaire du manoir
pâlit et sa dame aussi, tandis que Charles de Macdougal fait signe à lady Mary
de ne pas en dire davantage. Chacun se tait ; mais, après le déjeuner,
Charles Macdougal dit tout bas à lady Mary qu’une tradition de la famille
explique ce bruit de carrosses comme un signe de mort prochaine. En effet, à
deux mois de là, mourait la dame du manoir. Et lady Mary, qui était une des
dames d’honneur à la Cour, raconta souvent cette histoire à la vieille reine
Charlotte, quoique le roi George l’interrompît toujours en s’écriant :
« Quoi ! encore des revenants ! des revenants ! c’est
assez ! »
Il est
encore une autre anecdote non moins authentique : celle de ce jeune homme
bien connu de la plupart d’entre nous, qui, lorsqu’il était étudiant de
l’université, avait un ami intime avec lequel il s’entretenait un jour de la
possibilité de revenir sur terre après sa mort. « Eh bien ! dit-il,
convenons ensemble que celui de nous deux qui mourra le premier apparaîtra à
l’autre. » Longtemps après, les deux amis avaient suivi des carrières
différentes, lorsqu’une nuit, celui que nous connaissons, ayant fait une
excursion dans une province du Nord, prit gîte à une auberge isolée au milieu
des tourbières du Yorkshire. Il s’était couché, mais il ne dormait pas, et
ayant regardé dans la chambre ou brillait la lune à travers les vitres de la
croisée, il vit son ancien camarade debout près d'un bureau et qui avait les
yeux fixés sur lui ; il l’appela par son nom et l'autre, d'une voix
solennelle, lui répondit : « Oui, c'est moi ; ne m’approchez
pas, je suis mort. Je viens pour vous tenir ma promesse ; mais je ne puis
trahir les secrets du monde que j'habite. » À ces mots, le spectre devint
une forme de moins en moins distincte, et, se fondant en quelque sorte dans les
rayons de la lune, il disparut.
A suivre
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