samedi 7 décembre 2013

L’arbre de Noël Charles Dickens 6

Nous n’en finissons pas avec les vieilles maisons et les châteaux gothiques, avec les galeries retentissantes, les chambres à coucher mystérieuses et les vastes appartements où reviennent les esprits, appartements condamnés et fermés depuis des siècles, où nous pouvons nous promener tout à notre aise, un frisson entre les épaules, pour y rencontrer des spectres sans nombre ; mais ce qu’il y a de remarquable peut-être, c’est que ces spectres peuvent se réduire à quelques types généraux, les spectres ayant peu d’originalité et suivant des sentiers battus. Ainsi, par exemple, il est, dans un certain vieux château, une certaine chambre dont le parquet est taché d’un sang que rien au monde ne peut faire disparaître, depuis que certain mauvais seigneur, lord, baronnet, chevalier ou simple gentilhomme, s’y brûla la cervelle. Vous aurez beau frotter le parquet, comme a fait le propriétaire actuel, ou le raboter comme fit son père, ou le laver à la soude caustique comme fit son grand-père, les taches de sang subsistent, ni plus rouges ni plus pâles, toujours les mêmes. Ainsi, dans une autre maison, il est une porte hantée qui ne veut jamais rester ouverte, ou une autre porte qui ne veut jamais rester fermée, et de l’autre côté de laquelle on entend un bruit de rouet, un bruit de marteau, un bruit de pas, un cri d’angoisse, un soupir, un galop de cheval, une chaîne qu’on traîne. Ailleurs, c’est une tour d’horloge qui, à l’heure de minuit, sonne treize coups quand le chef de la famille est au moment de mourir, ou c’est un noir carrosse fantastique qui, à tel jour et à telle heure, est toujours vu par quelqu’un, attendant à la porte de la cour. Écoutez ce qui arriva à lady Mary. Elle était allée à la campagne, chez des amis, dans un manoir des montagnes d’Écosse. Fatiguée de son long voyage, elle avait demandé la permission de se retirer de bonne heure, le soir de son arrivée. Le lendemain matin, étant descendue pour déjeuner, elle dit très innocemment : « Comme on s’est couché tard ici ! et pourquoi ne m’avoir pas prévenue qu’il y avait une grande soirée ? » Chacun de demander à milady ce qu’elle veut dire, et milady de répondre : « J’ai entendu les carrosses qui allaient et venaient toute la nuit sur la terrasse. » Alors le propriétaire du manoir pâlit et sa dame aussi, tandis que Charles de Macdougal fait signe à lady Mary de ne pas en dire davantage. Chacun se tait ; mais, après le déjeuner, Charles Macdougal dit tout bas à lady Mary qu’une tradition de la famille explique ce bruit de carrosses comme un signe de mort prochaine. En effet, à deux mois de là, mourait la dame du manoir. Et lady Mary, qui était une des dames d’honneur à la Cour, raconta souvent cette histoire à la vieille reine Charlotte, quoique le roi George l’interrompît toujours en s’écriant : « Quoi ! encore des revenants ! des revenants ! c’est assez ! »
Il est encore une autre anecdote non moins authentique : celle de ce jeune homme bien connu de la plupart d’entre nous, qui, lorsqu’il était étudiant de l’université, avait un ami intime avec lequel il s’entretenait un jour de la possibilité de revenir sur terre après sa mort. « Eh bien ! dit-il, convenons ensemble que celui de nous deux qui mourra le premier apparaîtra à l’autre. » Longtemps après, les deux amis avaient suivi des carrières différentes, lorsqu’une nuit, celui que nous connaissons, ayant fait une excursion dans une province du Nord, prit gîte à une auberge isolée au milieu des tourbières du Yorkshire. Il s’était couché, mais il ne dormait pas, et ayant regardé dans la chambre ou brillait la lune à travers les vitres de la croisée, il vit son ancien camarade debout près d'un bureau et qui avait les yeux fixés sur lui ; il l’appela par son nom et l'autre, d'une voix solennelle, lui répondit : « Oui, c'est moi ; ne m’approchez pas, je suis mort. Je viens pour vous tenir ma promesse ; mais je ne puis trahir les secrets du monde que j'habite. » À ces mots, le spectre devint une forme de moins en moins distincte, et, se fondant en quelque sorte dans les rayons de la lune, il disparut.

A suivre

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