samedi 26 octobre 2013

La rafale par Sylva CLAPIN 5, 6 et 7

V
Pendant cinq longues semaines, Jean Dutras oublia ainsi qu’il existait. Puis un jour vint où, ses ressources étant épuisées, il lui fallut se chercher du travail. Septembre s’avançait et le mouvement du port se faisait plus intense que jamais. Aussi Jean n’éprouva-t-il aucune difficulté, avec sa solide carrure, à se faire agréer comme débardeur sur les quais Allan.
Mais autre chose fut de se maintenir en place. Quelques jours s’étaient à peine écoulés que Jean surprenait autour de lui, parmi ses compagnons, toutes sortes de chuchotements mystérieux. Visiblement, on le fuyait, et c’était à qui pouvait éviter de se trouver de corvée avec lui. Enfin, l’éclat se produisit. Sur une remarque du contremaître, un débardeur ayant répliqué qu’il n’aimait pas travailler avec du gibier de prison, Jean vit rouge et d’un formidable coup de poing ôta à son insulteur toute envie de recommencer. Puis, tenant à distance, de son air résolu, le reste des débardeurs, lentement il s’éloigna.
Il passa à une autre équipe, et s’acharna au travail, mettant comme une sorte de rage à se cramponner à l’existence honnête qu’il s’était promis de suivre. Et, toujours, sur une dénonciation, ses compagnons le forçaient, par une vexation incessante, à quitter la place et à s’en aller plus loin.
Ainsi rejeté, de main en main, comme une balle, il en était arrivé, un certain jour d’octobre, à se demander s’il ne ferait pas mieux de se laisser choir tout bonnement dans le fleuve, à la faveur de la première nuit noire qui se présenterait, quand il apprit qu’un navire chargé de bétail, et qui partait le lendemain, était à court de bouviers, pour la traversée. Il se fit embaucher et partit pour l’Angleterre. Pendant les deux semaines que dura le voyage, il connut toutes les horreurs de la vie de bouvier, sur une mer démontée, mangeant une nourriture infecte et vivant dans des puanteurs sans nom. Du moins, cette fois, ses compagnons, des inconnus ne parlant que l’anglais, ne lui infligèrent aucune persécution.
De retour à Montréal au bout d’un mois, Jean reprit du travail sur les quais. Mais les navires se faisaient rares maintenant, aux approches de l’hiver. Les chômages étaient fréquents, et sa paie de bouvier eut tôt fait de se dissiper. Il dut se livrer aux pires besognes, se faisant tour à tour balayeur et porte-faix au marché Bonsecours. À diverses reprises, il avait tenté de lutter, cherchant un point solide dans la boue où il s’enlisait de plus en plus, mettant surtout ses efforts à fuir les quais, à monter vers la grande percée frayée à travers la ville par la rue Notre-Dame. Un moment il crut avoir atteint son but, en se faisant accepter pour conduire la voiture de livraison d’une épicerie. Mais son patron le remercia sèchement de ses services au bout d’une semaine, et il comprit que, de nouveau, on l’avait dénoncé, et que, quoi qu’il pût faire, toujours la ville le rejetterait à l’eau, sans plus de souci de cette loque humaine que des immondices roulées dans le torrent de ses égouts.
VI
Et c’est alors que, toutes ses résolutions croulant l’une après l’autre, une pensée commença de germer dans sa tête, et finit par l’envahir tout entier. Puisque la société ne voulait pas de lui, il déclarerait la guerre à la société. Voleur il s’était fait, voleur il redeviendrait, et cette fois, avec l’adresse qu’il saurait y mettre, jamais on ne le repincerait.
Dans un village situé à quelque trente ou quarante milles de Montréal, Jean se rappelait avoir déjà séjourné deux semaines en villégiature, alors qu’il était au collège, et s’être lié d’amitié avec l’un des commis du bureau d’enregistrement. Plusieurs détails de la routine de ce bureau lui étaient devenus familiers. Il se souvint que, la nuit, personne ne restait là, et que la maison la plus rapprochée était une auberge distante d’au moins un demi-arpent. Il était entré dans la voûte de sûreté et il savait, pour l’avoir entendu dire, que les portes n’offriraient aucune résistance sérieuse à une effraction bien conduite. Enfin, il se rappelait que les recettes de chaque jour étaient déposées en un certain coin de cette voûte, et que le chiffre en était surtout élevé chaque samedi. Évidemment, si les choses étaient toujours dans le même état, un homme résolu ne pouvait avoir là que beau jeu ; et comme le bureau restait fermé le dimanche, Jean décida, afin qu’il pût s’écouler plus de temps avant la découverte du vol, de tenter le coup un samedi, et si possible, dès le samedi suivant, qui cette année-là tombait précisément la veille de Noël.
Ce fut dans ces dispositions qu’une lettre lui parvint venant de son père, et écrite déjà depuis longtemps. Adressée à son frère Félix, cette lettre était allée de place en place, et enfin avait fini par lui être remise dans le bouge où il logeait. En quelques mots d’une grosse écriture tremblée, que Jean eut bien de la peine à déchiffrer, son père lui faisait dire qu’il avait fait prendre pour lui des renseignements auprès du curé d’une paroisse du Manitoba, dans une partie reculée de cette province, et qu’il lui fournirait au besoin les moyens de s’établir sur une petite terre.
Jean eut dans les yeux, à la lecture de cette lettre, l’expression d’amère incrédulité de tous les malheureux à qui la branche de salut, à une période critique de leur vie, est tendue trop tard. Surtout, en son cœur ulcéré, persistait un sentiment de vengeance contre son frère Félix, contre celui qu’il accusait de l’avoir, par son mépris, rejeté à la boue, quand une simple poignée de main aurait pu le faire remonter à la lumière. Ah ! il avait voulu, cet homme posé dont tous les journaux parlaient comme destiné à un grand avenir, faire le geste infâme qui le bannissait à jamais, lui Jean, parmi les criminels. Eh bien ! on verrait.
VII
Au sortir de la gare, par cette fin d’après-midi, Jean eut tôt fait de reconnaître, avant d’arriver à la grande rue du village, la masse trapue du bureau d’enregistrement, et tout à côté la même auberge où il entra sans plus tarder, en se faisant passer pour un acheteur de denrées agricoles. Du reste, la place regorgeait de monde, la buvette surtout ne désemplissait pas en cette veille de Noël, et l’arrivée du nouveau voyageur passa inaperçue.
Sitôt la nuit venue, Jean s’accouda en un coin de la salle d’où il pouvait avoir vue sur le bureau d’enregistrement. Une lumière brillait encore au rez-de-chaussée. Sans doute, le receveur occupé à vérifier l’encaisse de cette lourde journée. Cette lumière, enfin, s’éteignit. Tout allait bien. Il n’y avait plus qu’à attendre l’instant le plus favorable, qui serait sans doute quand la messe de minuit aurait réuni tout le village à l’église.
Vers onze heures, il sortit, après s’être bien assuré qu’il avait sur lui les instruments et explosifs dont il pourrait avoir besoin pour mener son effraction à bien. La nuit était sans lune, mais froide et claire. Au bleu profond du ciel, la Voie lactée tendait sa longue écharpe diamantée. Des sonneries de carrioles s’égrenaient un peu partout, convergeant vers l’église, dont la grande ombre, dressée sur une éminence, soudain s’éclaira aux approches de l’heure. Puis l’airain, enfin, résonna, envoyant aux échos ses notes vibrantes, qui voletaient au loin soulevées d’allégresse.
Jean était entré dans l’église, un peu par désœuvrement, puis aussi pour se réchauffer, car son maigre paletot le défendait mal contre le froid. C’était une vieille église, aux murs simplement crépis à la chaux et plafonnée de lourdes solives. De rares lampes à pétrole mettaient par toute la nef comme une sorte de lueur diffuse, et là-bas, tout au fond, à côté du maître-autel, était le rayonnement de cierges entourant le berceau de l’Enfant Dieu.
La messe commençait, accompagnée des roulements berceurs de l’orgue. Soudain, le « Çà, bergers, assemblons-nous » éclata, entonné par un chœur de voix d’hommes, et, du coup, ce fut chez Jean, à l’appel de ces voix, une vision de son enfance, sous le vieux toit familial. Il ne se pressa pas de sortir, gagné peu à peu par une molle langueur, se reprenant à la nouveauté d’un spectacle qu’il n’avait pas vu depuis longtemps ; bien au chaud, du reste, dans l’ombre d’un pilier, où il restait encore plus seul avec lui-même.
Puis ce fut le tour de cet autre vieux cantique toujours si populaire au Canada, « Il est né, le Divin Enfant ». De nouveau, Jean sentit en lui l’afflux des souvenirs d’antan, et il s’enfonça plus profondément dans l’ombre du pilier, comme pour mieux cacher à tous le trouble qui voilait ses yeux.
La messe se poursuivait toujours, et c’était, à mesure que se précisait le Divin Mystère, comme un halètement de cette foule recueillie. Enfin, à l’offertoire, et après un léger prélude de l’orgue, une simple voix de toute jeune fille, presque une enfant, acheva l’œuvre de rédemption où allaient sombrer les mauvais jours de Jean. Douce et flûtée, et cependant fouillant jusqu’aux moindres coins de la nef, la voix disait « Les anges dans nos campagnes », ce chant d’une merveilleuse simplicité dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Le souffle harmonieux enveloppa Jean tout entier, lui courant sur la nuque en frissons sous lesquels, malgré lui, sa tête se baissa, et le faisant de plus en plus se courber, comme ployant sous le coup de vent d’une rafale. Ses épaules s’agitèrent en petits sursauts, et brusquement, n’en pouvant plus, il s’abattit, s’écroula plutôt sur les genoux, la tête en ses deux mains, et il sanglota doucement.
Et c’était bien, en effet, une rafale qui venait de passer, emportant les derniers miasmes, et laissant à leur place des souffles puissants et purs comme ce grand air des prairies de l’Ouest où Jean allait désormais se reprendre à l’existence.
Sylva CLAPIN, Contes et nouvelles.

samedi 19 octobre 2013

La rafale par Sylva Clapin 3 et 4

III
L’avocat Dutras, très élégant, la barbe luisante, donnait un ordre par téléphone, avant de se rendre au Palais, à l’instant où Jean se présenta. De surprise et d’effarement, sa voix s’étrangla, car il n’avait pas été prévenu de la sortie de l’ex-forçat. Il eut un geste de terreur, à la pensée que les clients attendant d’être introduits eussent pu reconnaître le nouveau venu, et il le poussa brusquement dans un cabinet, où il entra à son tour après avoir fermé la porte derrière lui.
Jean avait tendu la main à son frère, les yeux remplis d’une muette supplication. Sans paraître remarquer cette main humblement offerte, l’avocat était passé derrière une table, comme pour mieux marquer la distance le séparant de l’ex-forçat. Puis, s’étant croisé les bras il lui dit
– Ainsi, te voilà revenu ?
La tête basse, Jean balbutia :
– Oui, je suis sorti hier.
L’avocat reprit d’une voix blanche, où perçait une colère contenue :
– Et ta première visite a été pour moi. Je ne t’en remercie pas, car je n’ai déjà eu que trop de difficultés, il y a cinq ans, à me tenir à flot, et à convaincre le public qu’il n’y avait pas, dans notre famille, que des canailles de ton espèce.
Jean avait pâli sous l’outrage, et cherchait ses mots pour répondre. Sans lui en laisser le temps, son frère venait de sortir de sa poche une liasse de papier-monnaie. Il y choisit deux billets de dix dollars et les jeta à Jean en lui criant avec emportement :
– Voilà, sans doute, ce que tu es venu chercher. Prends cela, et que je ne te revoie plus.
Jean prit les deux billets, les roula en boule et les lança à l’autre bout de la pièce. Puis, il dit tranquillement :
– Je venais te demander conseil, non la charité. Tu as raison, je ne te reverrai plus. Adieu.
Et il sortit, le dos subitement voûté de dix ans.
IV
Il descendit la rue Saint-Sulpice, déboucha sur les quais, et s’accoudant au parapet faisant face à la Douane, il se perdit en une longue contemplation du va-et-vient du port.
Ainsi donc, son frère avait dit vrai. Il ne pouvait plus être maintenant qu’une source de honte et d’embarras pour les siens. Jamais le stigmate du forçat, qu’il sentait à son front comme une brûlure, ne disparaîtrait.
Il s’achemina vers le marché Bonsecours, et, entrant en passant dans un cabaret fréquenté par des matelots, se fit servir à dîner. C’était, là-dedans, un tapage assourdissant de cris et de rires, mêlé d’accords grêles de piano et d’éclats de cornet à pistons, et les servantes, pauvres femmes avachies par tous les métiers, avaient fort à faire pour répondre aux clients.
Son dîner pris, il retourna regarder le mouvement des navires, descendant les quais jusqu’à Notre-Dame de Bonsecours, dont la Vierge d’or aux bras tendus sur le fleuve semblait, dans la poussière et la fumée traversées de soleil, planer à vide, les pieds plongeant dans un nuage vermeil. Puis il revint au cabaret où il avait dîné, et se mit à boire jusqu’au soir, dans sa hâte d’oublier, surtout de ne pas sentir la brûlure le tenant au front. Au surplus, la main de fer de son frère avait achevé de le jeter dans l’ornière. Il était là, en ce moment, à sa place, dans ce caboulot de bas étage, côte à côte avec les écumeurs venus de tous les points du globe. Il aurait beau essayer de remonter les rues menant au cœur de la ville, toujours la tare impitoyable le rejetterait au fleuve, en marge de la société, comme une épave.

samedi 12 octobre 2013

La rafale par Sylva Clapin I et 2

La rafale par Sylva CLAPIN
I
LA PORTE du pénitencier s’ouvrit toute grande et Jean Dutras se trouva libre, sur le chemin du roi se déroulant tout droit devant lui.
Un instant, il resta indécis, et ses yeux, faits depuis si longtemps aux préaux sombres de la prison, clignotèrent dans la grande lumière d’août. Puis, subitement, il s’éloigna, marchant à grandes enjambées, dans la hâte de sortir du village, de gagner la campagne, surtout de voir disparaître au plus tôt l’horrible mur de pierre derrière lequel lui, Jean Dutras, l’ex-forçat, avait perdu durant cinq ans jusqu’à son propre nom pour ne plus être qu’un numéro, le n° 213.
Et maintenant, il était libre. On venait de lui signifier son congé. Il avait payé sa dette à la société, et il pouvait, tout comme un autre, lever la tête et s’emplir les poumons de la tiédeur de cette splendide journée d’été. Dieu ! que c’était bon !
Jean Dutras était un beau et grand garçon de vingt-cinq ans, de forte carrure et au regard naturellement fier et droit. Mais la flamme de gaieté qui autrefois animait son visage avait maintenant disparu, et un pli dur et haineux creusait le large front, rappelant le calvaire gravi depuis cinq ans...
Il avait payé sa dette, et il serait désormais un honnête homme. Cela, il se l’était promis bien des fois, durant les nuits interminables où le souvenir de sa honte le tenait éveillé. Il l’avait surtout promis à sa pauvre mère, dont le portrait, enfermé dans un vieux portefeuille, ne le quittait pas, et qui avait manqué mourir de douleur en apprenant que son Jean, son petit Jean aux cheveux bouclés, avait été condamné, pour faux en écritures, à cinq ans de pénitencier.
II
De Saint-Vincent de Paul à Montréal, cela fait, avec les détours, un joli bout de route. Jean Dutras aurait pu prendre le chemin de fer. Mais il préféra se rendre à pied, tout au ravissement de ce plein air où sa poitrine de libéré se dilatait à l’aise. Et c’était, à chaque pas – car il était homme des champs et fils de cultivateurs – une extase de tous ses sens devant la verdure, les fleurs, le dôme des bois, ou encore les récoltes ondulant sous la brise jusqu’aux extrêmes limites de l’horizon.
La nuit tombait, comme il touchait aux premières maisons de Montréal. Il remit au lendemain la visite qu’il voulait faire à son frère Félix, avocat très lancé et ayant ses bureaux sur la Place d’Armes, et il alla demander gîte et couvert dans un petit hôtel du Mile-End. Du reste, il pouvait payer largement son écot, et même, avec l’argent qu’on lui avait remis en partant de prison, pour sa part de travail durant ses années de détention, il lui restait, comme on dit, suffisamment de quoi se retourner.
Le lendemain matin, il descendit en tramway la rue Saint-Laurent, et à mesure que l’instant s’approchait de la visite à son frère, certaines difficultés se précisèrent qu’il n’avait pas aperçues tout d’abord. Au fait, ce frère, de quatre ans plus âgé que lui, verrait bien, à son accent de conviction, que sa détermination de se bien conduire à l’avenir était sincère, et il ne pouvait faire autrement que lui tendre les bras.
Cependant, ayant jeté un coup d’œil sur sa mise tant soit peu râpée, il jugea plus prudent, avant d’affronter cette épreuve, de rafraîchir sa toilette. Il entra chez un fripier, et pour quelques dollars réussit à se donner des dehors fort convenables. Cela fait, il monta résolument la Côte Saint-Lambert, et peu après pénétrait dans l’édifice du N.Y. Life et se faisait conduire chez son frère.

A suivre...

samedi 5 octobre 2013

L’assassinat de la Vouivre Louis Pergaud Les Rustiques

Louis Pergaud Les Rustiques L’assassinat de la Vouivre

Stefan Zeromski Le vieux Jean-Claude avait eu son enfance bercée au récit des légendes de la Vouivre, en qui il croyait de toutes les forces de son âme.
Sa grand’mère lui avait affirmé, devant le poêle ronronnant et le chat mystérieux, quand sifflait la bise et tourbillonnait la neige, l’avoir vue de ses propres yeux, les soirs de clair de lune et les nuits d’étoiles, promener par les prés humides de la Moraie sa sveltesse robuste de serpent ailé. Dans les miroirs des flaques encadrées de prèles scintillaient les feux de son escarboucle de diamant qu’elle déposait à son côté avant de se pencher sur la nacre cristalline des ruisseaux pour s’y désaltérer selon le rite. Et la foi, bue avec les paroles de l’aïeule morte, s’était implantée si profondément en lui que toutes les railleries et les hochements incrédules des fortes têtes n’en avaient jamais eu raison.
Ah ! pouvoir lui ravir l’escarboucle, l’escarboucle qui eût assuré la fortune et la puissance au héros de cette fabuleuse aventure ! Nul audacieux des temps jadis n’avait osé le faire. La bête l’eût dévoré !
Jean-Claude, par ce soir d’automne, revenait du village voisin où il avait livré à un paysan, cultivateur comme lui, une génisse qu’il lui avait vendue. Ses écus de cinq livres, entassés dans un petit sac à plomb, se froissaient doucement sous la doublure de sa veste et caressaient son oreille de leur bruissement argentin.
Il sortit du bois du Chênois, longeant les prés humides d’Epenouse, où serpentaient des ruisselets grossis par les pluies froides des jours précédents. Les feuilles tombaient des arbres avec des crépitements grêles ; dans l’azur lavé, les étoiles scintillaient et le croissant gonflé d’un premier quartier de lune s’avivait à l’occident. Il allait arriver à la source de la Moraie et songeait en lui-même :
— Oui, ils l’ont vue jadis et elle existe toujours, bien sûr ; mais elle se cache, car elle sait que les hommes ont maintenant des fusils, qu’ils ne craignent plus ni dieux ni diables et que sa force et son agilité n’auraient raison de leur adresse et de leur avarice !
» Ah ! lui ravir l’escarboucle !
» Voilà pourtant les lieux qu’elle hantait jadis. Elle a rôdé sous ces saules, elle s’est mirée à ce ruisseau et elle y revient sans doute encore de temps à autre, par les nuits sombres et les bises d’hiver. C’était son endroit favori ; la « mémé » m’a tant dit qu’elle préférait notre Moraie aux étangs croupissants de Chambotte et à la rivière de Brémondans.
» Mais…
Et Jean-Claude sentit ses jambes s’amollir et flageoler sous lui.
Derrière le premier rideau de saules que les rayons de lune trouaient de leurs ciseaux d’argent, un objet énorme, comme un diamant fantastique, scintillait, jetant tout à l’entour des feux blancs éblouissants. Et il lui sembla que quelque chose avait craqué par derrière.
— C’est elle, mon Dieu ! pensa Jean-Claude.
Cinq cents mètres à peine le séparaient du village ; il les franchit en cinq minutes et vint pousser violemment l’huis du grand Baptiste, chez qui les amis s’étaient rassemblés pour la première veillée.
— La Vouivre ! cria-t-il, j’ai vu la Vouivre !
Tous le fixèrent avec des yeux ronds.
Mais la foi débordait des yeux de Jean-Claude ; il n’eut pas de peine à les convaincre et à briser le léger vernis d’incrédulité vantarde derrière lequel voulaient s’abriter leur ignorance naïve et leur candeur puérile.
— Pourquoi pas ? après tout ! On voit tant de choses si bizarres et plus incompréhensibles.
Mais Jean-Claude poursuivit :
— Nous allons prendre des fusils et la cerner ; nous la tuerons et son escarboucle nous fera tous riches !
Personne ne discuta. Un rêve de lucre plana sur l’assemblée.
Deux minutes après, les tricots boutonnés, les gros brodequins lacés, ils étaient prêts à partir, le fusil à la main.
Le plan d’attaque était simple.
On allait remonter la Moraie en profitant de l’abri des buissons, s’espacer à gauche pour lui couper la retraite sur les bois de Valrimont et se rabattre en demi-cercle vers l’endroit désigné par Jean-Claude. Il n’y aurait de libre que l’espace découvert assez restreint du couchant par où, si elle voulait fuir, on pourrait la tirer avec des chances de l’atteindre.
Narcisse, le chasseur, un des meilleurs fusils du canton, tirerait le premier.
Dévalant la combe des prés, les tirailleurs, en grand silence, s’égaillèrent sous le clair de lune.
Sans bruit, au centre, Jean-Claude rampait près de Narcisse ; ils allaient lentement, comme englués dans la brume. À côté d’eux, le ruisseau chantait sur les graviers, élevant la voix aux tournants comme pour appeler les petits flots retardataires qui musaient aux berges ; la nuit était limpide et le croissant de lune brillait clair dans l’azur noirci.
À quarante pas de l’endroit où il avait vu la bête, dix minutes auparavant, Jean-Claude serra le bras de Narcisse, murmurant d’une voix basse comme le souffle d’un mourant :
— La vois-tu ?… Là-bas, derrière !
Narcisse pencha la tête en avant, les sourcils froncés, les yeux fixes, sa longue barbe noire, raide et comme figée.
C’était vrai ! Là-bas quelque chose brillait intensément et cette clarté mystérieuse ne pouvait provenir d’une source naturelle de lumière.
Vers la gauche, une branche craqua : les autres étaient proches.
— Attention ! Elle va se sauver ! Vois, ça remue, bredouilla Jean-Claude.
Le profil de bouc de Narcisse s’inclina sur le canon du Lefaucheux à deux coups chargé de chevrotines.
Une détonation formidable fit tressauter la nuit et il y eut comme un bond désespéré à côté de l’escarboucle, qui sembla pâlir un peu.
Au même moment, une rafale de coups de feu ravagea le silence : les autres tiraient aussi.
— En avant ! rugit Narcisse, qui avait remplacé sa cartouche vide.
— En avant ! rugirent les autres, en formidable écho.
Malgré l’enthousiasme de leurs cris, pas un n’apparut, et Narcisse avança seul, très prudemment d’ailleurs, le fusil à l’épaule, prêt à faire feu. Jean-Claude, à trois pas derrière lui, tremblait d’émotion et de peur.
Le vieux chasseur arriva sur le lieu du massacre. Un éclat de rire homérique le secoua de la tête aux pieds.
À côté d’un fond de bouteille cassé en mille morceaux et qui scintillait à la lune, un grand lièvre, criblé de plombs, gisait, saignant, les membres cassés, la tête trouée, les tripes hors du ventre.
Rassurés par le rire de Narcisse, les autres surgirent enfin lentement des buissons voisins et s’approchèrent à leur tour.
Un peu honteux de s’être laissé prendre au mirage facile du rêve de lucre et à la fascination de la légende ancienne, ils essayaient de s’excuser, alléguant leur incrédulité intérieure et leur passé de gens à qui on ne la fait pas.
— Tout de même, trancha Narcisse, on fera bien de n’en rien dire, les gens des alentours se ficheraient de nous. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de manger l’oreillard.
Comme les émotions de cette nocturne équipée avait affamé les traqueurs, ce fut ce même soir qu’on leva le cuir du lièvre et qu’on le mit à la casserole. Jean-Claude fut condamné à fournir la sauce et à payer quatre litres au lieu de deux pour apprendre à vouloir en conter aux camarades et aussi pour arroser le bon marché qu’il avait fait en vendant sa génisse.
Et voilà pourquoi maintenant les gens de Bémont-en-Comté, quand on leur parle de la Vouivre, hochent la tête et clignent de l’œil d’un air entendu et un peu narquois en vous disant :
— La Vouivre, il y a beau temps qu’on l’a tuée !

Wikipédia

samedi 28 septembre 2013

Deux Originaux E. T. A. Hoffmann

E. T. A. Hoffmann
Deux Originaux
1820

Vous savez, dit Théodore, que je séjournai quelque temps à G...., pour terminer mes études, auprès de mon vieux oncle. Il avait un ami qui, malgré la disproportion de son âge avec le mien, me prit en affection singulière, à cause, j’imagine, de l’extrême gaîté d’humeur qui me distinguait alors, au point de dégénérer parfois en folie. Cet homme était, du reste, un des plus extraordinaires que j’aie jamais rencontrés. Grondeur, chagrin, minutieux dans toutes les affaires de la vie, et fort enclin à l’avarice, il était pourtant sensible, autant qu’homme au monde, à toute espèce de drôleries et de jovialité. Pour me servir d’une expression française, personne n’était plus amusable ni moins amusant à la fois. En outre, et malgré la maturité de son âge, il était rempli de prétentions, qu’il manifestait surtout dans sa mise des plus recherchées, et toujours réglée d’après la dernière mode, ce qui le rendait passablement ridicule ; mais il l’était encore bien davantage par son avidité insatiable de plaisir, par son ardeur inouïe à poursuivre et à épuiser toute espèce de jouissance.
Il me revient à la mémoire deux traits caractéristiques de cette fatuité sénile et de ce besoin exagéré d’émotions, vraiment trop comiques pour que je ne vous en fasse pas part.
Imaginez-vous que mon homme ayant été invité, par une société dont plusieurs dames faisaient partie, à faire une promenade à pied pour visiter, dans les montagnes des environs, une chute d’eau remarquable, se para d’un habit de soie tout neuf, orné de superbes boutons d’acier poli, avec des bas de soie blancs, des souliers à boucles d’acier, et aux mains des bagues de prix. Or, il arriva qu’au beau milieu d’une sombre forêt de sapins, les promeneurs furent surpris par un violent orage. La pluie tombait par nappes, les ruisseaux débordés inondaient les chemins, et vous devez penser dans quel état mon pauvre ami fut réduit en peu d’instants. — Cependant, la nuit même le tonnerre tomba sur le clocher de l’église Saint-Dominique à G.... et l’incendia. Mon ami était transporté d’aise au magnifique spectacle de l’immense colonne de feu qui s’élevait jusqu’au ciel et projetait une lumière fantastique sur tous les objets d’alentour. Mais il réfléchit bientôt que ce tableau, vu du haut d’une colline qui dominait la ville, devait produire un effet beaucoup plus pittoresque. Aussitôt, il s’habilla de pied en cap, avec son cérémonial accoutumé, se munit d’un cornet de macarons et d’un flacon de vin fin, prit à la main un bouquet odorant, une chaise pliante et portative sous son bras, et se dirigea gaîment vers la hauteur en question. Là, il s’assit, et contempla tout à son aise avec ravissement les progrès de l’incendie, tantôt flairant le parfum de son bouquet, tantôt croquant un macaron ou buvant un petit verre de vin. — Ce personnage bizarre…
Il me rappelle, interrompit Vincent, un drôle de corps que j’ai rencontré pendant mon voyage dans le sud de l’Allemagne. J’étais allé me promener aux environs de B.... dans un petit bois, où je rencontrai plusieurs paysans occupés à abattre un taillis fort touffu, et à scier les branches de quelques arbres d’un côté seulement. Je demandai machinalement à ces gens s’il s’agissait de percer une nouvelle route ; mais ils me dirent en riant que je pouvais marcher droit devant moi, et que je trouverais à l’issue du bois, sur une hauteur, quelqu’un à qui je pourrais mieux m’informer.
En effet, je ne tardai pas à joindre un petit homme d’un certain âge, très pâle, habillé d’une redingote et d’un bonnet de voyage, avec une ceinture fort serrée, et qui regardait fixement, par une longue-vue, vers l’endroit où j’avais vu travailler les paysans. Dès qu’il s’aperçut de mon approche, il ferma son instrument, et me dit avec vivacité : « Vous venez du bois, Monsieur, où en est la besogne je vous prie ? » Je lui dis ce que j’avais vu. « C’est très bien, répondit-il, c’est très bien ! Je suis ici depuis trois heures du matin (or, il pouvait être six heures du soir), et je commençais à craindre que ces ânes, que je paie assez cher, ne me laissassent dans l’embarras ; mais à présent, j’espère que la perspective sera visible encore au moment favorable. » Il rouvrit sa longue-vue et regarda encore vers la forêt. Au bout de quelques minutes, un gros massif de branches étant tombé à la fois, on eut tout-à-coup devant soi, comme par enchantement, l’aspect des montagnes lointaines et des ruines d’un château fort, qui formaient, en effet, aux rayons du soleil couchant, un spectacle magique et enchanteur.
L’homme à la longue-vue n’exprima son ravissement que par des paroles entrecoupées ; mais après avoir joui du coup d’œil pendant un bon quart d’heure il serra sa lunette d’approche, et s’enfuit à toutes jambes, comme s’il eût été poursuivi par une bête féroce, sans me saluer, et même sans faire aucune attention à ma présence.
J’appris plus tard que cet homme n’était autre que le baron de R***, original des plus marquants, qui, de même que le fameux baron Grotthus, poursuivait, depuis plusieurs années sans interruption, un voyage entrepris pédestrement, allant partout avec rage, à la chasse, pour ainsi dire, des belles perspectives. Quand, pour se procurer la jouissance d’un point de vue, il jugeait nécessaire de faire abattre des arbres ou de trouer une partie de bois, il s’arrangeait avec le propriétaire et soldait des ouvriers sans regarder à la dépense. Il voulut même un jour, à toute force, faire brûler une métairie entière qui selon lui masquait la perspective, ou gâtait l’ensemble du tableau ; mais il échoua dans son dessein. Du reste, une fois son but atteint, il consacre une demi-heure au plus à contempler le point de vue, et reprend sa course incessante dans une autre direction, et sans jamais revenir au même endroit.

Wikipédia





Les Geais bleus Mark Twain

Mark Twain Les Geais bleus
Mercure de France, 1907 (pp. 178-187).

Les animaux causent entre eux ; personne n’en peut douter, mais je crois que peu de gens comprennent leur langage. Je n’ai jamais connu qu’un homme possédant ce don particulier ; mais je suis certain qu’il le possède, car il m’a fortement documenté sur la question.
C’était un mineur d’âge moyen, au cœur simple ; il avait vécu longtemps dans les forêts et les montagnes solitaires de la Californie, étudiant les mœurs de ses seuls voisins, les animaux et les oiseaux ; il parvint ainsi à traduire fidèlement leurs gestes et leurs attitudes. Il s’appelait Jim Baker. Selon lui, quelques animaux ont une éducation des plus sommaires et n’emploient que des mots très simples, sans comparaisons ni images fleuries ; d’autres, au contraire, possèdent un vocabulaire étendu, un langage choisi, et jouissent d’une énonciation facile ; ces derniers sont naturellement plus bavards, ils aiment entendre le son de leur voix et sont ravis de produire leur petit effet. Après une mûre observation, Baker conclut que les geais bleus sont les plus beaux parleurs de tous les oiseaux et animaux. Voici ce qu’il raconte :
« Le geai bleu est très supérieur aux autres animaux ; mieux doué qu’eux, il a des sentiments plus affinés et plus élevés, et il sait les exprimer tous, dans un langage élégant, harmonieux et très fleuri. Quant à la facilité d’élocution, vous ne voyez jamais un geai bleu rester à court de mots. Ils lui viennent tout naturellement d’abord à l’esprit, ensuite au bout de la langue. Autre détail : j’ai observé bien des animaux, mais je n’ai jamais vu un oiseau, une vache ou aucune autre bête parler une langue plus irréprochable que le geai bleu. Vous me direz que le chat s’exprime merveilleusement. J’en conviens, mais prenez-le au moment où il entre en fureur, au moment où il se crêpe le poil avec un autre chat, au milieu de la nuit ; vous m’en direz des nouvelles, la grammaire qu’il emploie vous donnera le tétanos !
« Les profanes s’imaginent que les chats nous agacent par le tapage qu’ils font en se battant ; profonde erreur ! en réalité, c’est leur déplorable syntaxe qui nous exaspère. En revanche, je n’ai jamais entendu un geai employer un mot déplacé ; le fait est des plus rares, et quand ils se rendent coupables d’un tel méfait, ils sont aussi honteux que des êtres humains ; ils ferment le bec immédiatement et s’éloignent pour ne plus revenir.
« Vous appelez un geai un oiseau : c’est juste, car il a des plumes et n’appartient au fond à aucune paroisse ; mais à part cela, je le déclare un être aussi humain que vous et moi. Je vous en donnerai la raison : les facultés, les sentiments, les instincts, les intérêts des geais sont universels. Un geai n’a pas plus de principes qu’un député ou un ministre : il ment, il vole, il trompe, et trahit avec la même désinvolture, et quatre fois sur cinq il manquera à ses engagements les plus solennels. Un geai n’admet jamais le caractère sacré d’une parole donnée. Autre trait caractéristique : le geai jure comme un mineur. Vous trouvez déjà que les chats jurent comme des sapeurs ; mais donnez à un geai l’occasion de sortir son vocabulaire au grand complet, vous m’en direz des nouvelles : il battra le chat, haut la main, dans ce record spécial. Ne cherchez pas à me contredire : je suis trop au courant de leurs mœurs. Autre particularité : le geai bleu surpasse toute créature humaine ou divine dans l’art de gronder : il le fait simplement avec un calme, une mesure, et une pondération parfaite. Oui, monsieur, un geai vaut un homme. Il pleure, il rit, et prend des airs contrits ; je l’ai entendu raisonner, se disputer et discuter ; il aime les histoires, les potins, les scandales ; avec cela plein d’esprit, il sait reconnaître ses torts aussi bien que vous et moi. Et maintenant je vais vous raconter une histoire de geais bleus, parfaitement authentique :
« Lorsque je commençai à comprendre leur langage, il survint ici un petit incident. Le dernier homme qui habitait la région avec moi, il y a sept ans, s’en alla. Vous voyez d’ailleurs sa maison. Elle est restée vide depuis ; elle se compose d’une hutte en planches, avec une grande pièce et voilà tout ; un toit de chaume et pas de plafond. Un dimanche matin, j’étais assis sur le seuil de ma hutte, et je prenais l’air avec mon chat ; je regardais le ciel bleu, en écoutant le murmure solitaire des feuilles, et en songeant, rêveur, à mon pays natal dont j’étais privé de nouvelles depuis treize ans ; un geai bleu parut sur cette maison déserte ; il tenait un gland dans son bec, et se mit à parler : « Tiens, disait-il, je viens de me heurter à quelque chose. » Le gland tomba de son bec, roula par terre ; il n’en parut pas autrement contrarié et resta très absorbé par son idée. Il avait vu un trou dans le toit ; il ferma un œil, tourna la tête successivement des deux côtés, et essaya de voir ce qu’il y avait au fond de ce trou ; je le vis bientôt relever la tête, son œil brillait. Il se mit à battre des ailes deux ou trois fois, ce qui est un indice de grande satisfaction, et s’écria : « C’est un trou ou je ne m’y connais pas ; c’est sûrement un trou. »
« Il regarda encore ; son œil s’illumina, puis, battant des ailes et de la queue, il s’écria : « J’en ai, une veine ! C’est un trou, et un trou des mieux conditionnés. » D’un coup d’aile, il plongea, ramassa le gland et le jeta dans le trou ; sa physionomie exprimait une joie indescriptible, lorsque soudain son sourire se figea sur son bec, et fit place à une profonde stupeur : « Comment se fait-il, dit-il, que je ne l’aie pas entendu tomber ? » Il regarda de nouveau, et resta très pensif ; il fit le tour du trou en tous sens, bien décidé à percer ce mystère ; il ne trouva rien. Il s’installa alors sur le haut du toit, et se prit à réfléchir en se grattant la tête avec sa patte. « Je crois que j’entreprends là un travail colossal ; le trou doit être immense, et je n’ai pas le temps de m’amuser. »
« Il s’en alla à tire d’aile, ramassa un autre gland, le jeta dans le trou et essaya de voir jusqu’où il était tombé, mais en vain ; alors il poussa un profond soupir. « Le diable s’en mêle, dit-il, je n’y comprends plus rien, mais je ne me laisserai pas décourager pour si peu. » Il retourna chercher un gland et recommença son expérience, sans arriver à un résultat meilleur.
« C’est curieux, marmotta-t-il ; je n’ai jamais vu un trou pareil ; c’est évidemment un nouveau genre de trou. » Il commençait pourtant à s’énerver. Persuadé qu’il avait affaire à un trou ensorcelé, il secouait la tête en ronchonnant ; il ne perdit pas cependant tout espoir et ne se laissa pas aller au découragement. Il arpenta le toit de long en large, revint au trou et lui tint ce langage : « Vous êtes un trou extraordinaire, long, profond ; un trou peu banal, mais j’ai décidé de vous remplir ; j’y arriverai coûte que coûte, dussé-je peiner des années. »
Il se mit donc au travail ; je vous garantis que vous n’avez jamais vu un oiseau aussi actif sous la calotte des cieux. Pendant deux heures et demie, il ramassa et jeta des glands avec une ardeur dévorante, sans même prendre le temps de regarder où en était son ouvrage. Mais la fatigue l’envahit et il lui sembla que ses ailes pesaient cent kilos chacune. Il jeta un dernier gland et soupira : « Cette fois je veux être pendu si je ne me rends pas maître de ce trou. » Il regarda de près son travail. Vous allez me traiter de blagueur, lorsque je vous dirai que je vis mon geai devenir pâle de colère.
« Comment, s’écria-t-il, j’ai réuni là assez de glands pour nourrir ma famille pendant trente ans et je n’en vois pas la moindre trace. Il n’y a pas à en douter : si j’y comprends quelque chose, je veux que l’on m’empaille, qu’on me bourre le ventre de son et qu’on me loge au musée. » Il eut à peine la force de se traîner vers la crête du toit et de s’y poser, tant il était brisé de fatigue et de découragement. Il se ressaisit pourtant et rassembla ses esprits.
« Un autre geai passa ; l’entendant invoquer le ciel, il s’enquit du malheur qui lui arrivait. Notre ami lui donna tous les détails de son aventure. « Voici le trou, lui dit-il, et si vous ne me croyez pas, descendez vous convaincre vous-même. » Le camarade revint au bout d’un instant : « Combien avez-vous enfoui de glands là-dedans ? » demanda-t-il. — « Pas moins de deux tonneaux. »
« Le nouveau venu retourna voir, mais, n’y comprenant rien, il poussa un cri d’appel qui attira trois autres geais. Tous, réunis, procédèrent à l’examen du trou, et se firent raconter de nouveau les détails de l’histoire ; après une discussion générale leurs opinions furent aussi divergentes que celles d’un comité de notables humains réunis pour trancher d’une question grave. Ils appelèrent d’autres geais ; ces volatiles accoururent en foule si compacte que leur nombre finit par obscurcir le ciel. Il y en avait bien cinq mille ; jamais de votre vie vous n’avez entendu des cris, des querelles et un carnage semblables. Chacun des geais alla regarder le trou ; en revenant, il s’empressait d’émettre un avis différent de son prédécesseur. C’était à qui fournirait l’explication la plus abracadabrante. Ils examinèrent la maison par tous les bouts. Et comme la porte était entr’ouverte, un geai eut enfin l’idée d’y pénétrer. Le mystère fut bien entendu éclairci en un instant : il trouva tous les glands par terre. Notre héros battit des ailes et appela ses camarades : « Arrivez ! arrivez ! criait-il ; ma parole ! cet imbécile n’a-t-il pas eu la prétention de remplir toute la maison avec des glands ? » Ils vinrent tous en masse, formant un nuage bleu ; en découvrant la clef de l’énigme ils s’esclaffèrent de la bêtise de leur camarade.
« Eh bien ! monsieur, après cette aventure, tous les geais restèrent là une grande heure à bavarder comme des êtres humains. Ne me soutenez donc plus qu’un geai n’a pas l’esprit grivois ; je sais trop le contraire. Et quelle mémoire aussi ! Pendant trois années consécutives, je vis revenir, chaque été, une foule de geais des quatre coins des États-Unis : tous admirèrent le trou, d’autres oiseaux se joignirent à ces pèlerins, et tous se rendirent compte de la plaisanterie, à l’exception d’une vieille chouette originaire de Nova-Scotia. Comme elle n’y voyait que du bleu, elle déclara qu’elle ne trouvait rien de drôle à cette aventure ; elle s’en retourna, et regagna son triste logis très désappointée. »


Wikipédia

samedi 17 août 2013

Après déménagement...

Alors on a déménagé !
Et puis on a re...déménagé !
Entre temps, mon mari avait peint les murs en blanc. Ben oui ! Des fois que les acheteurs éventuels n'aiment pas nos couleurs ! Heureusement qu'on n'avait pas touché à la cuisine toute neuve !
Parce que des murs blancs, c'est un peu triste !

Mais pour le moment, ras-le-bol des travaux, des pinceaux, des marteaux, etc...Alors on va demander à de gentils messieurs de nous changer quelques portes, quelques fenêtres, peut-être même un escalier, histoire d'agrandir la minuscule salle de bain des années 75! Et puis...on verra !

En attendant, on fait un inventaire pas rigolo du tout ! Du genre financier !
La camionnette qui nous a servi pour le déménagement a reçu un petit coup au dessus d'une des portes de derrière. Mais le garagiste doit se frotter les mains !
Le micro-onde en a eu assez de changer de cuisine et a rendu son tablier ! 
L'imprimante est morte d'un excès de papiers administratifs !
Et mon ordinateur a rendu l'âme. Il était déjà fatigué mais deux déménagements l'ont achevé ! 

Bon ! Les travaux attendront un peu. On ne peut pas se passer d'ordinateurs et de l'imprimante dans cette maison !
Un ordinateur tout neuf ! Moi, il me faut quelques jours pour m'y habituer ! Enfin, faut déjà qu'il marche ! Là, tout de suite, il me fait une fleur ! Demain, on ne sait pas...

Mais j'ai plein de trucs à vous montrer ! Bisous à tous. Très bonne soirée

mardi 30 juillet 2013

Déménagement

La maison ne s'est pas vendue alors nous repartons pour un nouveau déménagement.

A bientôt. Bisous à tous

jeudi 25 juillet 2013

Les fruitiers et d'autres choses


Je me suis trompée. C'est sous les branches d'un prunier que je m'abrite du soleil.

Un prunier bien fatigué et tout casé qui malgré toutes ses branches et ses feuilles ne donnera pas plus d'une quinzaine de prunes.



Voici les pommiers
Le premier dont le lilas soufre des branches envahissantes. 



Le deuxième






Le troisième, c'est le riquiqui complètement mangé par ses copains.



 Et le quatrième, sans doute le plus vieux , le plus gros, le plus majestueux.


 Ce culot ! Il nous mange le chemin pour aller chez ma voisine !



Alors, d'un côté, un pommier majestueux et de l'autre le sapin rescapé d'un Noël.
Pour les pommes, il y aurait trois variétés : des reinettes, des pommes vertes et des pommes presque marrons. Je ne sais pas les noms.



La maison que nous convoitons derrière le pommier et le sapin !

 Même pas de lézards sur les murs dans mon coin ! Allez, revenons en arrière...

Donc sous le  prunier...Puisque je vous dis qu'il ne fait pas de pommes, cet arbre ! Vous voyez la bombe d'eau ? Je m'asperge et je m'en sers surtout pour me mouiller les mains parce que les mains collantes de chaleur sur la laine ou les paillettes, une horreur!

J'ai continué un petit peu (entre un achat d'aiguilles parce que j'avais cassé la dernière, des caresses à Socrate qui passait dans le coin, un au revoir à mon fils, deux photos et l'arrosage d'un laurier rose).
Mais je caressais un autre idée...

J'ai bien le droit de m'amuser avec l'appareil photo ! Vous ne trouvez pas que mon petit bout de laine ressemble à un hanneton sur la gauche ?! Je vois même son œil et ses petites pattes. Il est rouge et alors vous croyez que vous connaissez toutes les petites bêtes qui existent ?!



Donc...Après mes paillettes, je voulais revenir à cette idée, faire des petites fleurs différentes. Trop facile. Elles sont en dentelles. Il suffit d'en suivre les contours et puis aussi continuer à faire une fête à cet écheveau de laine qui n'en fait qu'à sa tête.

J'espère que vous vous rendez compte, Mesdames, que jamais, je le crois bien, je ne vous ai fait une photo aussi nette. J'ai sué sang et eau pour cela ! Si ! Si ! Et on est prié de ne pas rire !

 Bon y'a la bordure qui a des ratées mais j'ai rectifié depuis


Demain, nous allons chercher maman pour la journée et nos occupations dépendront de son humeur.

Merci de tout cœur pour vos gentils messages. Merci d'être revenues après ma longue absence.

Bienvenue à
Liberty. As-tu un blog ? Et toutes mes excuses si on s'est déjà croisé.
Marie http://mariejy.over-blog.com/
Bienvenue à Tensaï http://perlouseries.canalblog.com/
Bienvenue à Claudine le retour chez Cannelle http://www.dinclo56.com/
Marisa Garcia http://passionetcouture.blogspot.ca/ 


J'espère n'oublier personne. A toutes merci et gros bisous

mercredi 24 juillet 2013

Chaleur et passe-temps

Malgré la chaleur et cachée sous un pommier, j'avance doucement.


Y'a des endroits plus chauds que les autres quant il faut y poser les mains !




Il y a deux nuits, gros coups de tonnerre. Que de l'esbroufe ! Pas une goutte de pluie !

Hier matin il a plu. Une petite heure. Deux heures plus tard, plus aucune trace !


Cette nuit, un peu d'eau et ce soir, parait que la chaleur se réinstalle...

Et maison toujours pas vendue !  On saura d'ici 2, 3 jours si on doit y retourner ou pas.

Alors, on est tous un peu énervés, "on tourne en rond" et la chaleur n'arrange rien. Mais bien sur, on ne se retrouvera pas à la rue! Mais bien sur qu'on a de la chance !


Alors aujourd'hui, entre deux séances de repassage, je suis sur internet (si je re-déménage, je ne l'aurais plus durant quelques jours) et je rattrape toutes les visites de blog en retard et je vous montre où j'en suis


Je commence à savoir où je vais et ce qu'il donnera ! C'est la première fois que je fais quelque chose d'aussi grand et c'est de longue haleine.


Il miroite à certains endroits et moi, j'adore !

Et lui qui est presque fini. J'aime bien les petites fleurs de dentelles et je réfléchis aux bordures. Comme souvent je n'ai pas laissé beaucoup de place tout en haut ! C'est malin !


Désolée de ne pas venir plus régulièrement.
Bonnes vacances, bon soleil et surtout, plus d'inondations !
Bisous à tous



vendredi 12 juillet 2013

Giveaway de Suzy






Suzy Quaife de http://suziqusthreadworks.blogspot.fr/ organise un tirage au sort pour le 31 juillet. Visitez son atelier, admirez et décidez-vous ensuite. Seul problème. Il vous faudra faire traduire le texte en français...

Moi, j'adore ! C'est vraiment l'un de mes deux ou trois blogs préférés hors de France. 

Bisous et bonne chance

Un peu de crochet...


Hier, réveil à 3 h du matin. C'est un peu fatigant mais ça laisse du temps devant soi !



Pour le tableau, j'avais fait cette petite chose verte au crochet. J'avais eu du mal. Tout petit crochet et plus de tout l'habitude. Et si on "rame fort" ce n'est plus du plaisir !

Que faire à 3h du matin alors que tout le monde dort ? On vient de se réveiller. Pas encore de coups de barre. Tout est calme et on peut se concentrer. Alors on s'installe et on s'entraîne ! Évidemment, j'ai varié les couleurs et les dessins pour ne pas m'ennuyer.






L'après-midi, le plaisir de faire du crochet était revenu. J'ai pris ce livre pour faire quelques modèles pour des projets ultérieurs.






Basique.








Je veux des trous partout !

















Et puis ce matin, réveil à 5h. C'est mieux que 3. Les oiseaux chantent et le jour se lève. J'avais envie d'une fleur.
Y'a une multitude de modèles sur Internet mais je voulais la mienne. Alors la voilà.

Pas de modèle alors je serais incapable de refaire la même. Mais c'est cela qui m'intéresse.

Allez ! Après quelques corvées, je retourne à mon tableau.

Bisous à tous

mercredi 10 juillet 2013

Encore un peu...





Crochet et varier les formes...Toujours 1,5 et des fils à coudre...Où les placer ?








Pas sur de garder ce morceau-là...




Tout compte fait, mon tissu de fond n'est pas génial ! Un vieux foulard que je ne voulais pas jeter.








Je ne sais pas encore si je garde...








Rose et orange à amadouer...












J'ai pris un châssis de tableau, un rectangle 70 x 50 cm et je travaille directement sur la toile.  C'est un peu dur ! Et la barre transversale derrière. Vous croyez que j'ai pensé qu'elle me gênerait ?! Mais pas du tout ! Pas inventé l'eau chaude, la dame !








Je redécouvre des laines incroyables !








Là, j'aime l'ensemble !




Ici, aussi !





J'ai trouvé une dentelle qui encadrera et rehaussera les couleurs du tout. Et grâce à mon fils qui nous a fait une visite éclair, je vois mieux dans quel sens j'ai envie de le regarder...Ce qui donne d'autres idées !

A bientôt
Gros bisous