samedi 2 novembre 2013

L’arbre de Noël Par Charles Dickens


Je ne m’inquiétais jamais alors de savoir de quoi était fait mon cher baudet, que voilà encore avec un panier de chaque côté de son bât ! Sa peau était une vraie peau d’âne au toucher, je m’en souviens. Et le grand cheval noir, moucheté de rouge, ce cheval sur le dos duquel je pouvais monter, croyez-vous que j’eusse pensé un moment qu’il différait en rien de ceux qu’on voit communément courir sur la plaine de New-Market ? Je vois bien maintenant de quoi sont faits les quatre chevaux de trait, en bois non verni, attelés à un chariot de roulage que je dételais et remisais sous le piano. Leur queue n’est qu’une houppe de fourrure, leur crinière est également en crin postiche, et leurs jambes ne sont que de grosses chevilles ; mais ils ne m’apparaissaient pas ainsi quand ils me furent apportés comme cadeau de Noël. C’étaient des chevaux parfaits, alors, et je trouvais parfaits aussi leurs harnais cloués sans façon contre leur poitrail. Je découvris un jour que cette boîte à musique ne contenait qu’un appareil de fil d’archal et de cure-dents ; je faisais peu de cas de ce petit saltimbanque en manches de chemise, qui recommençait sans cesse sa culbute sur un cadre de sapin ; ce n’était qu’un pauvre imbécile selon moi ; mais ce que je trouvais merveilleux, ce qui m’amusait prodigieusement, c’est cette échelle de Jacob, faite de petites tablettes de bois rouge qui se succédaient l’une à l’autre, pour exposer chacune un tableau différent avec un tintement de petites clochettes.
Ah ! la maison de poupée !... dont je n’étais pas le propriétaire, mais où j’allais en visite. Je n’admire pas le nouveau palais du Parlement la moitié autant que cette maison, à façade couleur de pierre avec de vraies fenêtres à vitres, un seuil de porte et un balcon réel... plus vert qu’aucun des balcons que je vois aujourd’hui, excepté dans les villes de bains de mer, et même ceux-ci ne sont que de pauvres imitations de celui de la maison de poupée. La façade s’ouvrait, du haut en bas, à deux battants, et c’était un peu contraire à l’illusion, j’en conviens, parce qu’on y cherchait en vain l’escalier intérieur ; mais l’illusion renaissait quand elle se refermait. Ouverte même, il y avait trois chambres distinctes : le salon avec fauteuils et canapé, la chambre à coucher avec un ameublement d’une rare élégance, et, mieux encore, la cuisine avec sa cheminée, son fourneau, tout un assortiment d’ustensiles, y compris une délicieuse bassinoire et un cuisinier de profil qui se préparait sans cesse à faire frire deux poissons. Combien de festins de la Barmécide j’ai faits sur cette table où figurait tout un service en plats de bois, chacun contenant son mets particulier, tel qu’un jambon ou une dinde, qui y étaient fixés au moyen d’un peu de colle forte, et garnis de quelque chose de vert qui devait être, je crois, de la mousse ! Quelle est celle de toutes nos sociétés de tempérance qui pourrait m’offrir un thé comme ceux que je prenais dans ces jolies petites tasses bleues qui entouraient, sur le plateau, une petite théière en bois d’où coulait un liquide sentant un peu l’allumette, mais auquel je trouvais un goût de nectar ? Peu m’importait que les pinces à sucre fussent disloquées comme les mains de Polichinelle ! Un jour, il est vrai, j’épouvantai la maison de mes cris, comme si je m’étais empoisonné ; je venais d’avaler une de mes petites cuillers d’étain qui s’était fondue dans un thé trop brûlant... mais j’en fus quitte pour quelques coliques, et encore moins aiguës que celles dont je souffrais quand on m’administrait une potion purgative.
Mais après les jouets vinrent les livres. En voilà tout un rayon sur les branches inférieures de mon arbre de Noël, entre le cylindre à fouler le gazon et les autres petits instruments de jardinage. Ces volumes sont minces, pour la plupart, mais nombreux, et avec de jolis cartonnages bleus ou rouges. Quelles lettres pittoresques dans ces Alphabets, lettres à personnages ! A, la première de toutes, A, qui était un Archer, et qui transperçait une grenouille de ses flèches : A, qui était, ailleurs, un Archevêque, un Archange, et je ne sais quoi encore. De même pour les autres lettres, excepté X, qui était toujours Xerxès ou Xantippe ; Y, qui était invariablement un Yacht, et Z invariablement un Zèbre. Mais, dans le volume suivant, déjà, c’est bien une autre magie ; l’arbre de Noël, lui-même, se change en une tige de fève, cette merveilleuse tige de fève dont Jack, le tueur de géants, se servit comme d’une échelle pour escalader la maison du géant. Voilà des géants à deux têtes en personne, armés de leurs massues, qui grimpent d’un rameau à l’autre, comme le long d’un escalier, traînant par les cheveux des chevaliers et des dames qu’ils vont croquer à leur dîner. Ah ! Jack ! brave Jack ! au secours ! Jack arrive heureusement avec son sabre qui tranche les montagnes et ses souliers qui le transportent, en quelques pas, à une distance de cent lieues. Admirable Jack ! Heureux rival du Petit Poucet ! plus d’une fois je me demandai s’il n’existait pas plusieurs Jack, ou si c’était un seul et unique Jack qui pouvait accomplir tant d’exploits.


A suivre...

1 commentaire:

  1. Une fois , j'avais ramassé de beaux ceps comme on en trouve en Cévennes, :beaux lisses et drus, une merveille!... J'allume la cheminée, l'âtre des montagnes, et, quand la braise braise à foison, je mets le trépids, et la poële,de l'huile et de l'oignon, ça chante et ça embaume l'oignon roussi, ...Je bats les oeufs, sel , poivre,et je touille avec une fourchette en étaii, de plus en plus profondément !!!! Ahhrgh, la fourchette a fondu, il ne me reste plus que le manche !!!!!et obligé de tout jeter, l'omelette, la poêle et le pot au lait !!!!!!!!

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